CNOM et santé digitale : vers quels e-services ou marketing client et citoyen côté entreprises ?

Le livre blanc du Conseil national de l’Ordre des Médecins (CNOM) sur la e-santé et santé connectée paru en janvier 2015 s’apparente à un état de l’art de la e-santé en France et à l’international, bien documenté. Au-delà d’un point terminologique bien venu sur ce que recouvre le numérique en santé, le Conseil appelle les divers acteurs au débat public et à une gouvernance du numérique santé. Evoquant les exigences à appliquer à la santé mobile, il invite à trouver l’équilibre entre résistance au changement des uns et fascination technologique des autres. Avec acuité et recul, le CNOM propose une vision globale et sociologique du phénomène, des analyses et des recommandations d’action, y compris au niveau Européen. Soulignant qu’il s’agit d’une évolution sociologique mais aussi d'une évolution inéluctable et positive de la pratique de l’exercice médical, il refuse en revanche l’hypothèse d’une « nouvelle médecine » qui mènerait à un système de santé à deux vitesses. La m-santé et santé connectée sont en effet autant porteuses de promesses de bénéfices sociétaux et économiques que de limites ou risques quant aux intérêts réels pour le patient et au modèle solidaire qui caractérise le système français.

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Dans le cadre de questions éthiques, les menaces qu’une telle fascination et certains usages pourraient engendrer sur les libertés individuelles et collectives y sont clairement abordées, exemples à l’appui. De fait, le CNOM alerte sur ce qui pourrait découler du modèle économique sous-tendant la santé connectée, à savoir la monétisation de grands volumes de données personnelles collectées et croisées. Les travaux de la CNIL et de la Commission Européenne en 2014 s’inscrivent dans ce souci et visent à établir les lignes directrices menant à une éventuelle régulation. Le rôle et la responsabilité des entrepreneurs est également soulevé ; Surtout, l’engouement de ces derniers avec la démultiplication de start-up et un financement parfois démesuré. De même, la motivation souvent commerciale de ces acteurs privés à agir sur le comportement des personnes est relevée.

S’appuyant sur diverses études récentes, il apparaît que les professionnels de santé sont presque tous désormais des mobinautes. Mais encore trop peu ont un usage relationnel d’internet ou du web avec leurs patients. Quant aux français, ils semblent « curieux mais pas encore convaincus », principalement par inquiétude quant à l’utilisation de leurs données. Leurs attentes concernent notamment la prévention, la possibilité de préserver sa santé, de rester en forme, d’être encouragé dans un effort. Dans sa revue des promesses, limites et risques, le CNOM relève la démultiplication des projets de m-santé mais une difficulté majeure à distinguer la valeur réelle des uns et des autres. Peu d’entre eux se préoccupent en effet d’évaluer l’impact de leurs initiatives en termes de service médical rendu alors que la m-santé est souvent motivée par la réduction des dépenses de santé. Reste que la principale attente est qu’elle contribue à la diffusion de l’information et à l’éducation à la santé. Les premières évaluations en termes de coaching électronique sont encourageantes. On notera pour notre part que les opportunités existent donc bien pour les entreprises de santé de développer de véritables politiques de e-services santé et donc de marketing client. A condition de prendre en compte les risques associés à la santé mobile répertoriés par le CNOM: protection des données personnelles/santé et confidentialité ; tromperie sur la finalité d’une appli ou allégations thérapeutiques, fiabilité technique, vulnérabilité des logiciels (cryptage, protection des transmissions…). Le respect de bonnes pratiques dans ces domaines par certains éditeurs ou développeurs laissent souvent à désirer, relève le Conseil. Le respect des contraintes réglementaires aussi. Du côté des bracelets d’activité connectés, le livre blanc rapporte qu’ils « fournissent des résultats approximatifs et que leurs mesures doivent être relativisées ». Et de citer 01net.com « Les objets connectés sont des passoires en matière de sécurité » en référence au rapport de la société Symantec sur le sujet.

Les enjeux, selon la publication, sont donc de créer la confiance par l’évolution de la régulation (à minima, la mise en œuvre d’une déclaration de conformité à des standards), la recommandation, la labellisation (mais la CNIL vient d’y renoncer car procédure trop lourde et couteuse) ou certification des dispositifs. La recommandation d’applis en France n’est malheureusement proposée aujourd’hui que par 2 start-up à visée commerciale, dont l’une est à la fois juge et partie exerçant une double activité d’évaluation et d’édition d’applis, et dont les méthodologies d’évaluation mériteraient peut-être plus de transparence. Le CNOM relève d’ailleurs que « l’intelligence collective ne vaut pas processus de régulation » même si elle présente d’autres intérêts. Et que même si « les usages distingueront ce qui est gadget de ce qui passera de promesse à réalité…(…)…, une évaluation scientifique des solutions qui s’inscrivent dans le parcours de soins et dans l’exercice structuré de la télémédecine (sera nécessaire), évaluation neutre et menée par des experts sans lien d’intérêt avec les fournisseurs ».
Florence BERNARD, présidente de FB-Ingénierie & Communications

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